"Dans cette mâle pulsion du “bâtisseur”, qui semble sans cesse me pousser vers de nouveaux chantiers, je discerne bien pourtant, en même temps, celle du casanier : de celui profondément attaché à “la” maison. Avant toute autre chose, c’est “sa” maison, celle des “proches” — le lieu d’une intime entité vivante dont il se sent faire partie. Ensuite seulement, et à mesure que s’élargit le cercle de ce qui est ressenti comme “proche”, est-elle aussi une “maison pour tous”. Et dans cette pulsion de “faire des maisons” (comme on “ferait” l’amour. . .) il y a aussi et avant tout une tendresse. Il y a la pulsion du contact avec ces matériaux qu’un façonne un à un, avec un soin amoureux, et qu’un ne connaît vraiment que par ce contact aimant. Et, une fois montés les murs et posés les poutres et le toit, il y a la satisfaction profonde à installer une pièce après l’autre, et à voir peu à peu s’instaurer, parmi ces salles, ces chambres et ces réduits l’ordre harmonieux de la maison vivante — belle, accueillante, bonne pour y vivre. Car la maison, avant tout et secrètement en chacun de nous, c’est aussi la mère — ce qui nous entoure et nous abrite, à la fois refuge et réconfort ; et peut-être (plus profondément encore, et alors même que nous serions en train de la construire de toutes pièces) c’est cela aussi dont nous sommes nous-mêmes issus, ce qui nous a abrité et nourri, en ces temps à jamais oubliés d’avant notre naissance… C’est aussi le Giron."
Alexander Grothendieck, 1986.
Hondeghem, rue Aschenstraet
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