« la
besogne de la Mort sur l'Amour : un corps que l'amour avait transformé et qui,
devenant cadavre, redevient un corps, un élément radicalement étranger. Haneke,
qui s'est toujours revendiqué grand lecteur d'Adorno, a probablement lu la
belle définition que ses Minima moralia donnent de l'amour, comme de «
l'aptitude à déceler le semblable dans le dissemblable ». Sur le lit où Riva se
raidit, Haneke filme exactement l'inverse : le retour brutal du dissemblable. »
(+)
…
mais justement, l’Amour est… n’est-il pas l’accueil du corps étranger, de l’Autre,
du dissemblable, de celui que je ne re-connais pas, de celui que jamais je ne
serai, que jamais je ne saurai ; la besogne de l’Amour sur la Mort est, n’est-elle
pas d’opérer une alchimie sur le corps de l’Autre, qui me permet alors de le
toucher dans sa dis-semblance, de le déshabiller ? Si Haneke filme la
brutalité du dissemblable, mais si les visages ne se voilent pas, les yeux ne
cillent pas, c’est qu’en effet un « intrus est entré dans la maison »
(+), mais que dans cette maison de l’Amour, il séjournait déjà. L’attaque
cérébrale n’inaugure pas tant la rupture d’un amour familier, d’un amour du
semblable, que la radicalisation, peut-être, de cet Amour qui serait accueil de
la dissemblance, jusqu’au seuil de l’insupportable aliénation. Ce qui fait
passer ce seuil, c’est Anne vivante mais refusant obstinément de vivre encore ;
ce n’est pas la Mort.
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