« Aucune tombe ne sera permise nulle part en
terre labourable, aucun monument (mnèma) grand ou petit... tout sol que la
terre, notre mère (mètèr) destine naturellement à fournir la nourriture aux
hommes, ni mort ni vivant ne doit en priver ceux de qui nous vivons »
(Platon, Lois XII, 958 d 7-8, e 3-5).
(Pas de Calais, Mars 2010)
« Ce qui est écrit est privé de voix, privé de la voix de son père.
[…] La loi [non-écrite, paternelle] interdit qu’une tombe ne vienne
souiller la terre labourable, qu’aucun mémorial ne vienne s’inscrire dans la
terre-mère, dans le porte-empreinte maternel. Mais, même ailleurs que là où la
terre, nous nourrissant, déploie le plus sa maternité, toute trace du corps
mort est limitée.
[…] le tombeau est au maximum ce qu’il est quand il est couvert d’une
inscription. […] Toute inscription est funèbre, l’écriture est déjà tombeau.
[…] la loi du père proclame l’immortalité de l’âme. Elle interdit Elle
interdit ou essaie d’interdire à l’homme de laisser des traces, parce que ces
traces ne pourraient s’inscrire que corporellement et dans la terre-mère. La loi
du père sépare l’âme de la mère. L’immortalité de l’âme est un autre nom pour
la prohibition de l’inceste. C’est d’ailleurs une autre loi non-écrite qui l’interdit
(Lois VIII, 838 b 1)
[…] L’écriture des lettres ne suffit pas, ne se suffit pas à elle-même. Il
lui faut le secours de son père, la voix du discours parlé. […] La semence
paternelle pourra donc subsister, mais elle ne pourra pas pousser une fois
séparée de la voix que seule le père peut lui donner »
Extrait de : Brague R. 1973. En marge de « La pharmacie de Platon »
de J. Derrida. Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 71, N°10, 1973.
pp. 271-277.
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