mardi 26 juin 2012

Coffrer la langue


« Aucune tombe ne sera permise nulle part en terre labourable, aucun monument (mnèma) grand ou petit... tout sol que la terre, notre mère (mètèr) destine naturellement à fournir la nourriture aux hommes, ni mort ni vivant ne doit en priver ceux de qui nous vivons »
(Platon, Lois XII, 958 d 7-8, e 3-5).




 (Pas de Calais, Mars 2010)



« Ce qui est écrit est privé de voix, privé de la voix de son père.
[…] La loi [non-écrite, paternelle] interdit qu’une tombe ne vienne souiller la terre labourable, qu’aucun mémorial ne vienne s’inscrire dans la terre-mère, dans le porte-empreinte maternel. Mais, même ailleurs que là où la terre, nous nourrissant, déploie le plus sa maternité, toute trace du corps mort est limitée.
[…] le tombeau est au maximum ce qu’il est quand il est couvert d’une inscription. […] Toute inscription est funèbre, l’écriture est déjà tombeau.
[…] la loi du père proclame l’immortalité de l’âme. Elle interdit Elle interdit ou essaie d’interdire à l’homme de laisser des traces, parce que ces traces ne pourraient s’inscrire que corporellement et dans la terre-mère. La loi du père sépare l’âme de la mère. L’immortalité de l’âme est un autre nom pour la prohibition de l’inceste. C’est d’ailleurs une autre loi non-écrite qui l’interdit (Lois VIII, 838 b 1)
[…] L’écriture des lettres ne suffit pas, ne se suffit pas à elle-même. Il lui faut le secours de son père, la voix du discours parlé. […] La semence paternelle pourra donc subsister, mais elle ne pourra pas pousser une fois séparée de la voix que seule le père peut lui donner »
Extrait de : Brague R. 1973. En marge de « La pharmacie de Platon » de J. Derrida. Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 71, N°10, 1973. pp. 271-277.


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