dimanche 29 juillet 2012

pulsations



Artvazard Pelechian 


Fin
1992




Vie
1993

(+)

samedi 28 juillet 2012

vulnérables



Sandrine Buring, Ch(ose) ou l'éprouv'être


Métamorphoser
 

Oser regarder


Changer sa perception


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Stéphane Olry, Hic sunt leones / Là-bas, il y a des lions


« Nous, les quatre enfants, sommes réunis dans la Danseuse. [...] Nous sentons le corps de la Danseuse avancer comme un palanquin ondulant à notre guise. Nous percevons le battement tranquille de son cœur. Nous avons constaté alors que la Danseuse discutait, que nous pouvions, nous, les quatre enfants, en accélérer le rythme et faire affleurer le sang à ses joues. [...] 
Par ses narines nous parviennent les fragrances des arbres au milieu desquels elle marche. En un pas, le parfum sucré et piquant des pommes pourries au pied de l'arbre a succédé aux essences résineuses des pins noirs. Nous nous régalons de ce festin de parfums. Nous encourageons notre hôtesse à ramasser une pomme qui a roulé à ses pieds. Nous l'excitons à porter le fruit à son visage. L'odeur de la pomme encore verte pénètre d'abord ses narines. Nous murmurons à la Danseuse de mordre dedans. Le parfum s'engouffre à l'intérieur de son corps, gonfle et se répand. Alors, nous, les quatre enfants, invitons la Danseuse à récidiver, à croquer à nouveau dans la peau du fruit, à mastiquer la chair lentement, à libérer les sucs, les goûter et à déglutir au rythme qui nous permet de savourer le plus longtemps possible ces sensations. Toutes ces actions machinales suggérées par nous, les quatre enfants, font affleurer à la conscience de la Danseuse ce jugement : "Elle est bonne cette pomme". »



Revoir

vendredi 27 juillet 2012

le monde moderne n'est pas bavard





« Il faut représenter la vie non pas telle qu’elle est, mais telle qu’on la voit en rêve. »
« Надо изображать жизнь не такою, как она есть, и не такою, 
как должна быть, а такою, как она представляется в мечтах. »

Anton Tcheckhov, La Mouette. Traduction d’Elsa Triolet, Paris, Editeurs Français Réunis, 1954




« La vie telle qu’elle est, pourquoi la peindre ? Elle est là. 
C’est telle qu’elle devrait être, telle qu’on la souhaiterait qu’il faut la montrer. »

Marguerite Duras, La Mouette. Dans : Théâtre IV, Paris, Gallimard, 1985, p.409.



 
« Il faut peindre la vie non pas telle qu’elle est, ni telle qu’elle doit être, 
mais telle qu’elle se représente en rêve. » 

Françoise Morvan et André Markowicz, Note des traducteurs, préface à La Mouette
Arles, Actes Sud, 1996, p.13.




Ici, un texte de Sarah Cillaire comparant et commentant  
La Mouette d’Anton Tchekhov 
à l’adaptation libre de Marguerite Duras (1985).




« Les modernes eux-mêmes ont énoncé que tout art authentique devait en finir avec la représentation, se tenir au plus près du dynamisme vital dont les corps sont porteurs et abolir la funeste distance entre acteurs et public, scène et salle, afin de fonder un collectif festif où tous auront indistinctement leur place active. L’idée fait ainsi son chemin d’un « théâtre » sans aucune théâtralité, d’un théâtre qui abolit le théâtre. Religion contemporaine, peut-être, que ce désir éperdu de se confondre avec le réel nu de corps que rien ne représente, et qui ne représente rien […] Contre le théâtre sans théâtre, contre l’apologie du corps et de l’inséparation, préparons l’avenir du théâtre fidèle au théâtre »

Alain Badiou, Eloge du théâtre, lieu métaphysique, Le Monde, 16.07.2012







jeudi 26 juillet 2012

il leur reste les mots


"Je suis une mouette… Non, ce n’est pas ça. Je suis une actrice."
"Я — чайка… Не то. Я — актриса."

Anton Tchekhov, La Mouette.


 

"Dans ce qui fut un lac, dans ce qui fut peut-être un théâtre, 
une humanité perdue tente de ne pas oublier. 
Il leur reste les mots. 
Les mots, une fois prononcés, ne peuvent faire disparaître l’espace qu’ils ont ouvert."
 
Arthur Nauzyciel
mars 2012
(dossier) (+) (+) (-)






"À gauche tout devait encore se déchiffrer et mon destin était suspendu à chaque signe; 
à droite il s’était déjà jadis réalisé et c’était un seul signal silencieux. 
Ces renversements durèrent longtemps, jusqu’à ce que je ne fusse plus moi-même 
que le seuil au-dessus duquel les messagers sans nom, noirs et blancs, changeaient dans les airs."

Walter Benjamin, Les chemins du labyrinthe.


mardi 24 juillet 2012

je suis celui



Les mains négatives
Marguerite Duras
1978


(with english subtitles)




Devant l’océan
Sous la falaise
Sur la paroi de granite
Ses mains
Ouvertes
Bleues
Et noires
Du bleu de l’eau
Du noir
De la nuit

L’homme est venu seul
Dans la grotte
Face
A l’océan
Toutes les mains ont la même taille
Il était seul


L’homme seul dans la grotte
A regardé dans le bruit
Dans le bruit de la mer
L’immensité des choses
Et il a crié


Toi qui es nommé
Qui est doué d’identité
Je t’aime


Ses mains
Du bleu de l’eau
Du noir
Du ciel
Plates
Posées
Écartelées
Sur le granite
Gris
Pour que quelqu’un les ait vues


Je suis quelqu’un qui appelle
Je suis celui qui appelait
Qui criait
Il y a trente mille ans


Je t’aime

Je crie que je veux t’aimer
Je t’aime
J’aime quiconque entendra que je crie


Sur la terre vide
Resteront ces mains
Sur la paroi de granite
Face
Au fracas
De l’océan
Insoutenable
Personne n’entendra plus
Ne verra

Trente mille ans
Ces mains là
Noires

La réfraction de la lumière sur la mer
Fait frémir la paroi de pierre


Je suis quelqu’un
Je suis celui

Qui appelait
Qui criait
Dans cette lumière blanche
Le désir

Le mot n’est pas encore inventé


Il a regardé l’immensité des choses
Dans le fracas
Des vagues
L’immensité de sa force
Et puis il a crié

Au dessus de lui
Les forêts d’Europe
Sans fin
Il se tient au centre de la pierre
Des couloirs, des voix de pierre de toute part
Toi
Qui a un nom
Toi qui es doué d’identité
Je t’aime d’un amour indéfini

Il fallait descendre la falaise
Vaincre la peur
Le vent souffle du continent
Il repousse l’océan
Les vagues luttent contre le vent
Elles avancent
Ralenties par sa force
Et patiemment parviennent à la paroi

Tout s’écrase

Je t’aime plus loin que toi

J’aimerai quiconque entendra que je crie que je t’aime

Trente mille ans

J’appelle
J’appelle celle qui me répondra
Je veux t’aimer
Je t’aime
Depuis trente mille ans
Je crie
Devant la mère
Le spectre blanc

Je suis celui qui criait
Qu’il t’aimait
Toi


dimanche 22 juillet 2012

semi-formed beach




Vermisst die Welt
Missing the World
1997
Per Kirkeby
painting from artic geology

samedi 21 juillet 2012

du miracle opéré par la parole



« […] la mauvaise conscience que l'analyste a prise du miracle opéré par sa parole. Il interprète le symbole, et voici que le symptôme, qui l'inscrit en lettres de souffrance dans la chair du sujet, s'efface. Cette thaumaturgie est malséante à nos coutumes. Car enfin nous sommes des savants et la magie n'est pas une pratique défendable. »

Lacan J. 1953. Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse.  
Dans : Ecrits, Seuil. 1966. p.306




“[…] the analyst's guilty conscience about the miracle his speech performs. He interprets the symbol and, lo and behold, the symptom—which inscribes the symbol in letters of suffering in the subject's flesh—disappears. This thaumaturgy is unbecoming to us. For, after all, we are scientists and magic is not a justifiable practice.”

Lacan J. 1953. Function and field of speech and language in psychoanalysis
In: Ecrits. Tr.: B. Fink. W. W. Norton & Company, Inc. 2006. p.252.