mercredi 18 juillet 2012

l'enfant et la mère




"Dans cette mâle pulsion du “bâtisseur”, qui semble sans cesse me pousser vers de nouveaux chantiers, je discerne bien pourtant, en même temps, celle du casanier : de celui profondément attaché à “la” maison. Avant toute autre chose, c’est “sa” maison, celle des “proches” — le lieu d’une intime entité vivante dont il se sent faire partie. Ensuite seulement, et à mesure que s’élargit le cercle de ce qui est ressenti comme “proche”, est-elle aussi une “maison pour tous”. Et dans cette pulsion de “faire des maisons” (comme on “ferait” l’amour. . .) il y a aussi et avant tout une tendresse. Il y a la pulsion du contact avec ces matériaux qu’un façonne un à un, avec un soin amoureux, et qu’un ne connaît vraiment que par ce contact aimant. Et, une fois montés les murs et posés les poutres et le toit, il y a la satisfaction profonde à installer une pièce après l’autre, et à voir peu à peu s’instaurer, parmi ces salles, ces chambres et ces réduits l’ordre harmonieux de la maison vivante — belle, accueillante, bonne pour y vivre. Car la maison, avant tout et secrètement en chacun de nous, c’est aussi la mère — ce qui nous entoure et nous abrite, à la fois refuge et réconfort ; et peut-être (plus profondément encore, et alors même que nous serions en train de la construire de toutes pièces) c’est cela aussi dont nous sommes nous-mêmes issus, ce qui nous a abrité et nourri, en ces temps à jamais oubliés d’avant notre naissance… C’est aussi le Giron."
Alexander Grothendieck, 1986.

  Hondeghem, rue Aschenstraet

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