dimanche 30 septembre 2012

Ui




"Der aufhaltsame Aufstieg des Arturo Ui
von Bertolt Brecht, 
Regie: Heiner Müller, 
Titelrolle: Martin Wuttke

 
  




samedi 22 septembre 2012

locus focus






"un lieu approprié, signifie pour moi un lieu où je peux contempler mon propre cadavre"

Min Tanaka
danse 
sur le discours de Pau Casals aux Nations Unies 
"El Cant Dels Ocells, The Song of Birds" (+) (+)
et en compagnie des "Nomades" de Thomas Gled




"Le travail de la terre est, en un sens créatif, lié de très près à la danse. 
Le fait que notre corps soit exposé
à l’espace du dehors, au vent, à la lumière, à la chaleur
est en soit un facteur créatif".
(+)


mardi 18 septembre 2012

le sens des autres



Pierre Guyotat, Coma, 2006. 

« Installé dans un angle du living, je reprends mon travail, sur un cahier jaune dont je remplis les pages, dans la totalité de leur espace, par des renvois, des blocs d’écriture comme enchâssés sur le feuillet.
« J’avance dans le son de la vie que je viens de quitter, celui des nuits des arrière-salles, des couloirs à putains.
« Ce que je ne vis naguère que sur quelques heures, quelques journées, au désert, dans le ménage, la dépression s’installe en moi, coupe tous les gestes dans mon centre : seuls le travail, la langue, la composition, des figures, des lieux, l’accentuation de chaque voix selon ce quelle fait, cela seul me maintient à proximité d’un monde, qui pour moi n’existe plus que dans les cinq sens des autres.
« Un soir, où chez des amis de mon frère, de l’autre côté du living, tous dînent sans moi qui ne peut plus manger, le son des fourchettes, des couteaux et des assiettes augmente l’angoisse qui me tient étendu et raidit tous mes membres.
« Alors, qui ? Quoi ? Quel choc me sortira de cette terreur muette ? »



« Une nuit, plus tard, mon ami m’emmène dîner chez sa compagne, près de Versailles. Dans l’appartement d’un petit immeuble résidentiel, dans la verdure : Elle, un parfum qui me rappelle une peau ancienne ; des enfants qui jouent à l’étage. Inaccessible à jamais. Tout foyer, tout intérieur avec femme, mère et enfant, m’apparaît toujours comme le plus noble des palais.
« Pris de malaise, au milieu du dîner, je reprends connaissance mais on me garde coucher pour la nuit. Je ne m’endors pas mais, à la fenêtre ouverte, de la nuit, et de ses astres, je fais, celle de mes nombreuses gardes d’Algérie comprises, moi qui suis si léger, soumis aux plaisirs - impossible de rien faire sans plaisir ; donc aménager le devoir, les exigences de la profession comme tel, les laisser arriver sur le point du plaisir, voilà la nature de ma volonté, faire cette coïncidence, la favoriser, la créer - de la nuit et de ses astres, ce soir-là, j’ai fait la contemplation la plus active de ma vie d’adulte.
« Au petit-déjeuner, les couverts brillent aux lèvres très rouges des enfants : je ne sais déjà plus si j’ai mangé ou pas. Dans la salle de bains, je caresse le peigne de corne, où s’entremêlent les cheveux de la mère, les cheveux boucles des enfants, à quelques cheveux de leur père. »



 un manuscrit de P. Guyotat

Coma is a book whose acts of acute corporeal exposure and the process of their transmutation into language finally require a reader or witness, who may be horrified and repelled, but is irresistibly enmeshed and implicated in that process. <+>



Patrice Chéreau lit Pierre Guyotat : <audio> <retranscription>


mercredi 5 septembre 2012

de plus anciennes frayeurs


Rainer Maria Rilke
Elégies de Duino
Troisième élégie
Lecture et associations libres de Stanislas Roquette <lien>

« C’est une chose de chanter la bien-aimée. Une autre de chanter, hélas, ce grand Dieu coupable et secret, le fleuve-sang. Celui qu’elle reconnait de loin, le jeune homme qu’elle aime, que sait-il, lui-même, du seigneur du désir qui souvent au fond de lui, dans la solitude, avant que la jeune fille ne l’apaisa, et souvent comme si elle n’existait pas, élevait, ha, ruisselant de quelles profondeurs inconnaissables, sa tête de Dieu, appelant la nuit à une insurrection infinie ?
[…]
« Ce n’est pas toi, hélas, ni sa mère, qui avez tendu ainsi l’arc de ses sourcils pour l’attente, ce n’est pas pour toi qui frémis à son approche, jeune fille, pas pour toi que sa lèvre se recourba en une expression plus féconde. Penses-tu vraiment que ton apparition légère l’aurait à ce point bouleversé, toi qui vas du même pas que le vent printanier ?
Sans doute tu lui mis l’effroi au cœur mais de plus anciennes frayeurs se précipitèrent en lui au choc de cet émoi.
Appelle-le, tu ne l’arracheras pas tout entier à ce commerce obscur.
Oui, sans doute, il le veut. Il se dégage, allégé, s’habitue, se sent chez lui dans le secret de ton cœur. Et il se ressaisit et se commence.
Mais eut-il jamais un commencement ?
Mère, c’est toi qui le fis. Tout petit, tu fus celle qui le façonna. Il était neuf pour toi. Tu abaissais vers ses yeux neufs ce que le monde avait d’amical, tu écartais ce qu’il avait d’étranger.
[…]
« Et lui-même, couché, avec quel soulagement il laissait fondre sous ses paupières alourdies par le sommeil, l’exquise douceur de tes créations légères et la mêlait à la saveur de l’avant-sommeil. Il semblait qu’il fut protégé. Mais au-dedans, qui repoussait, qui entravait au plus profond de lui les flots montant de l’origine ?
[…]
« Lui, le nouveau, l’enfant plein de crainte, comme il était empêtré et déjà contraint d’obéir, sous l’entrelacs toujours plus inextricable des lianes de son devenir intérieur, à des modèles, à leur croissance étouffante, à des formes fuyantes d’animaux, comme il s’abandonna, aima.
Aima ce qu’il portait au fond de lui, cette terre sauvage au fond de lui, cette forêt première en lui, sur l’écroulement muet de laquelle régnait le vert lumineux de son cœur. Aima. Puis laissa tout cela, suivit ses propres racines jusque dans les profondeurs de l’origine immense où son infime naissance n’était déjà plus qu’un souvenir.
[…]
« Vois-tu, notre amour n’est pas comme les fleurs, le produit d’une seule année. Quand nous aimons, c’est une sève immémoriale qui nous monte dans les bras. Ô, jeune fille, cela, que nous ayons aimé en nous non un être à venir mais bien cet innombrable qui fermente, non pas un enfant isolé mais bien les pères qui, comme les gravats d’une montagne ruinée repose au fond de nous, mais bien le lit du fleuve à sec des mères de jadis, mais bien toute l’étendue sans bruit de cette contrée que surplombe le ciel limpide ou menaçant de la fatalité, oui, cela, jeune fille, c’est cela qui vint avant toi. […]
« Ô sans bruit, sans bruit, devant lui, accomplit l’un de tes chers travaux quotidiens, rassurants, emmène-le sur le seuil du jardin, fait lui don de l’excès, du poids trop lourd des nuits.
Retiens-le. »





mardi 4 septembre 2012

das Heimliche





« Notre maisonnette était une pièce d’environ quatre mètres carrés qui devait servir à la fois de salle à manger, chambre à coucher, atelier et vestibule. Après quelques marches et sur le palier, trois portes donnaient accès à une douche, un toilette et une cuisine, aux dimensions si réduites que l’on avait juste de quoi se tourner. Je souhaitais qu’elle soit petite – car plus elle était petite plus elle était intra-utérine »

 
« Nous avions apporté les accessoires en verre et en nickel de notre appartement de Paris et nous avons peint les murs de différentes couches de peinture. N’étant pas en situation de pouvoir mener à terme mes idées décoratives délirantes, je ne souhaitais que les proportions nécessaires pour nous deux et seulement pour nous deux »


« Ce fût là où j’appris à m’appauvrir, à limiter et à limer ma pensée pour qu’elle devienne aussi efficace qu’une hache, et où le sang avait le goût du sang et le miel le goût du miel. C’était une vie dure, sans métaphore ni vin, une vie à la lumière de l’éternité. Les élucubrations de Paris, les lumières de la ville et les bijoux de la Rue de la Paix ne pouvaient pas résister à cette autre lumière totale, centenaire, pauvre, sereine et intrépide comme le front concis de Minerve »


« Notre maison a grandi exactement comme une véritable structure biologique, par bourgeons cellulaires. A chaque nouvel élan de notre vie correspondait une nouvelle cellule, une pièce ».

Salvador Dalí, La vie secrète de Salvador Dalí
Portlligat.